Des activités de retraite qui donnent un sens à la vie
Par Marie-Paule Dessaint, docteure en sciences de l’éducation, auteure, conférencière et biographe
On peut aborder la vieillesse soit comme un escalier que l’on descend, de décrépitude en décrépitude, jusqu’à la tombe; soit comme un escalier que l’on monte, chaque marche ayant encore plus de valeur que la précédente et offrant de nouvelles découvertes. Joel De Rosnay
Extrait d’une conférence que j’ai prononcée il y a plusieurs années pour l’organisme coaching de gestion avec lequel j’ai suivi ma formation de coach de développement personnel.
Métier que j’ai pratiqué pendant 10 ans (ACC).
Je vous invite à lire cet article plus récent qui complète celui-ci: Gros plan sur la retraite, illusions, déceptions, équilibre
Ou encore celui-ci: Êtes-vous prêt pour la retraite? 16 questions à vous poser
Le thème de la retraite me passionne depuis de nombreuses années; plus particulièrement la recherche du bonheur par des projets qui donnent un sens à la vie, jusqu’à la fin.
Par ricochet, ces projets contribuent largement au maintien de la santé physique et psychologique malgré le vieillissement et les diverses pertes qui l’accompagnent.
Le bonheur est une véritable pilule santé que l’on peut se prescrire… soi-même!
Aujourd’hui, c’est surtout l’animatrice de sessions de préparation à la retraite qui s’adresse à vous puisque je vous livre les réflexions qui me trottent dans la tête depuis un bon moment, suite à ce que je vois et à ce que j’entends durant les conférences et les cours que j’anime.
Ce sont toutes ces réflexions qui m’ont incitée, en grande partie, à suivre ma formation pour devenir coach de transitions de vie afin d’être présente, non pas uniquement 2 à 5 ans avant le départ à la retraite, comme je le fais actuellement, mais aussi et, peut-être surtout, dans la quarantaine avancée, au deuxième tiers de la carrière, lorsque commencent à surgir les questions au sujet du sens de la vie et du sens du travail
À cette période de la vie professionnelle où l’obsolescence et l’épuisement que je retrouve chez beaucoup de futurs retraités risquent de s’introduire sournoisement dans leur âme et dans leur corps.
Pour intervenir aussi, bien plus tard, 8 à 10 ans après le départ à la retraite, et parfois bien avant, lorsque la lune de miel ou la «vie en plus» se terminent.
Profiter de cette vie en plus pour la savourer à notre façon
La vie en plus, c’est cette tranche de vie comprise entre 60 et 75 ans environ que les auteurs du livre sur ce thème comparent à une nouvelle adolescence.
La vie en plus, c’est en quelque sorte un cadeau de l’existence, une part de vie supplémentaire que nous devons à l’allongement de notre espérance de vie.
Autrefois, c’était l’époque où les retraités se mettaient d’eux-mêmes en retrait et se préparaient carrément à la fin de leur vie puisque l’âge de la retraite se situait à 65 ans et l’espérance de vie ne dépassait guère 70 ans.
On s’installait alors dans une routine confortable et on se contentait de regarder les plus jeunes se démener.
Aujourd’hui, il s’agit carrément d’un second début dont il faut goûter chaque seconde sans toutefois perdre de vue la vieillesse qui s’annonce et la nécessité d’apprendre à se désengager peu à peu sans perdre sa créativité.
La période qui suit cette «vie en plus» s’ouvre sur la vieillesse.
Elle est propice à un autre bilan.
Ce bilan permettra de conclure que la vie valait vraiment la peine d’être vécue ou, au contraire, il amènera des regrets et de l’amertume, voire du désespoir.
Je vous en parle car sa réussite (donc la fin de la vie aussi) repose en quelque sorte sur l’adaptation réussie à la période précédente (la vie en plus) qui, elle, repose sur la réussite du passage à la retraite qui, à son tour repose, selon moi, sur la réussite du deuxième tiers de la carrière dont j’ai parlé précédemment.
C’est à toutes ces étapes de la vie qu’il me semble important d’intervenir.
Portrait des nouveaux retraités
Pour les nouveaux retraités, la retraite n’est que la suite logique de leur vie déjà bien remplie
Lors des sessions de préparation à la retraite que j’anime, je m’adresse surtout aux baby-boomers de la première vague, et plus particulièrement aux «rebelles».
Les baby-boomers, ces «enfants gâtés de l’après-guerre» seraient, d’après ce que l’on lit à leur sujet, très épris de liberté.
Très compétents et en bonne santé, pour la plupart, ils refusent d’être traités comme des petits vieux et de se faire mettre au rancart comme leurs parents.
Ils ont bien l’intention d’en profiter au maximum, même si pour un grand nombre cela signifie travailler encore, mais bien sûr, à leur rythme, selon leurs envies et tout en se ménageant des temps de loisirs.
Habitués à revendiquer et à obtenir tout ce qu’ils veulent, ils ont aussi le poids du nombre pour se faire entendre.
On peut donc dire qu’ils sont en train de transformer radicalement l’image de la retraite comme ils ont tout révolutionné, ou presque, depuis leur naissance.
Des retraités centrés sur leurs propres intérêts?
Beaucoup reprochent aux baby-boomers d’être omniprésents, centrés sur leurs propres intérêts, en plus d’être indifférents au fardeau économique qu’ils constitueront pour les prochaines générations en faisant notamment exploser les régimes de retraite et de santé.
Certains prévoient même une guerre des générations; ce qui, à mon avis, ne se produira pas.
Non seulement les baby-boomers vont être heureux de quitter le monde des affaires, de la compétition, de l’ambition et du stress, mais ils vont aussi s’adoucir.
N’oublions pas qu’ils ont aussi une grande conscience sociale et que leurs valeurs principales concernent avant tout la famille, les droits humains, l’égalité des chances, le respect, l’environnement.
Ils auront aussi du temps, on s’en doute, pour se préoccuper de leur santé, ainsi que des générations montantes.
Des coachs et des conseillers-retraite
Les services de coachs et de conseillers de vie sont de plus en plus demandés par les nouveaux retraités qui demandent de l’aide pour mieux gérer leur temps et leur argent, pour donner un contenu et un sens à leur vie et pour prendre en charge leur santé.
Ce qui montre, à mon avis, qu’ils entendent bien continuer à prendre le contrôle de leur existence à la retraite et, par conséquent, aller chercher les moyens et les ressources dont ils ont besoin pour y parvenir. Un modèle à suivre?
Les stages de préparation à la retraite
Les cours et les stages que j’anime sont structurés autour d’un bilan de vie assez complet, d’études de cas, de travail en atelier et de périodes de discussions en plénière
Les couples sont invités à faire un petit exercice assez intéressant qui leur permet de discuter ouvertement des projets et des rêves de chacun, mais aussi de leurs craintes à propos de la retraite en général et de leur nouvelle vie de couple en particulier, ensemble, 24 heures par jour.
Les participants ont également l’occasion de calculer leur degré de stress à cette période de leur parcours de vie et de découvrir des moyens de le réduire avant de partir à la retraite.
Mon slogan préféré est d’ailleurs La recette, c’est la paresse!
Cela signifie, entre autres, de ne pas se lancer dans tous ces changements radicaux, en même temps que les préparatifs de la retraite, comme le font bien des futurs retraités.
Voici quelques exemples: déménager, rénover la maison, partir pour un long voyage d’aventure, transformer totalement leur vie, se séparer sur un coup de tête.
Quoi d’autre?
Un constat: peu de futurs retraités ont eu le temps de s’interroger sur leur identité en-dehors de leur travail
La retraite est alors idéalisée, bien plus qu’elle ne le devrait
Le bilan et les exercices proposés me permettent de constater, qu’au cours de leur carrière, plusieurs participants n’ont pas vraiment eu l’occasion de s’offrir un face à face avec eux-mêmes, notamment pour découvrir ou redécouvrir qui ils sont en dehors de leur travail.
Quels sont, par exemple, leurs besoins fondamentaux, leur personnalité, leurs valeurs, leurs rêves, leurs préférences ?
Aussi, lorsque nous abordons les aspects de leur vie professionnelle qu’ils abandonneront avec grand plaisir, quelques participants me confient à quel point ils sont démotivés, en raison, surtout, du peu de reconnaissance reçue dans leur milieu de travail et de la pression quotidienne qu’ils doivent supporter.
Je sens chez certains l’obsolescence, la fatigue et l’épuisement.
Quelques-uns disent espérer tenir le coup avec les médicaments jusqu’à leur départ.
La retraite semble représenter pour eux l’aboutissement heureux d’une vie professionnelle qui ne l’est plus.
Quelques chiffres…
On pourrait donc croire que la moitié des travailleurs arrivent à la retraite dans un état de grande vulnérabilité et que l’autre moitié y entre en pleine possession de ses moyens
Sans pouvoir donner des chiffres exacts, je retrouve là, à peu près les mêmes proportions d’une étude du professeur Jacques Limosges de l’université de Sherbrooke publiée il y a déjà quelques années.
Dans les milieux de travail, sur 12 personnes:
– deux s’épuisent à la tâche, trois montrent des signes évidents de désintérêt et de démotivation, donc d’obsolescence et un seul éprouve le besoin impérieux de prendre sa retraite ou de changer de métier.
– six parviennent à bien équilibrer leur vie professionnelle et personnelle sans avoir besoin d’aide, de support ou de valorisation provenant de l’extérieur.
On pourrait donc croire que la moitié des travailleurs arrivent à la retraite dans un état de grande vulnérabilité et que l’autre moitié y entre en pleine possession de ses moyens.
Dans le premier cas, la retraite risque de provoquer une crise existentielle importante, surtout si le travail était au cœur de l’identité de la personne.
Dans le second cas, la personne quittera le monde du travail avec le sentiment du devoir accompli.
Elle pourra envisager la retraite avec sérénité, à la fois comme la suite logique de sa vie, mais aussi comme un second début.
Si je me fie aux données que j’ai citées plus haut, la moitié des travailleurs auraient donc avantage à être accompagnés, au deuxième tiers de leur carrière et de procéder à un premier bilan.
Ce bilan ne devrait pas viser uniquement l’augmentation du bien-être et de l’efficacité au travail.
Il devrait s’élargir à toutes les dimensions de la personne; un peu comme celui que je fais faire aux participants à mes formations.
C’est à cette période de la vie que surgissent, pour la plupart des gens, les questions à propos du sens de leur existence et de la générativité; à propos aussi du chemin parcouru jusque là et de la pertinence de continuer sur le même chemin ou d’en emprunter un autre, tout à fait différent.
Les premiers signes du vieillissement apparaissent aussi et, avec eux, la conscience que le temps est limité.
Les réflexions issues de ce bilan ne peuvent qu’avoir des effets favorables sur la suite de la vie et, bien sûr, sur l’arrivée à la retraite.
Pour conclure
La retraite est une transition particulièrement délicate de la vie puisque ce passage s’ouvre du même coup sur la vieillesse.
Tout peut encore être possible pour le nouveau retraité, mais tout peut aussi se fermer ou s’effondrer rapidement.
Si beaucoup en sortent gagnants, ce n’est malheureusement pas le cas pour tous.
Près de 15% (20% selon certaines études) ne parviennent pas à retrouver un équilibre existentiel; ce qui occasionne, on s’en doute, des problèmes sociaux, psychologiques et sanitaires.
Sans prétendre, loin de là, que les coachs ou les conseillers de vie peuvent contribuer à résoudre tous ces problèmes, il est certain qu’ils auront un rôle significatif à jouer dans l’avenir avec l’arrivée des baby-boomers à la retraite.
Non seulement au moment du passage à la retraite; mais bien avant aussi et, bien plus tard encore! Qu’en pensez-vous?
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