Par Marie-Paule Dessaint, docteure en sciences de l’éducation, auteure, conférencière et biographe
Je reproduis ici une partie du point de repère 12 de mon livre Cap sur la retraite. 25 points de repère pour franchir les transitions (p. 181 à 184)
Laisser notre empreinte dans notre sillage: une source de sens en vieillissant
La vie des grands hommes nous rappelle que nous aussi nous pouvons rendre notre vie sublime et laisser derrière nous, après la mort, des empreintes sur le sable du temps. Henry Longfellow
J’ai demandé à un groupe qui assistait à une de mes conférences de nous dire ce que chacun pensait léguer aux jeunes générations qui prendront la relève après leur départ à la retraite.
Certains ont mentionné, par exemple, des méthodes de travail, des connaissances et des idées, leur bonne humeur contagieuse, leur capacité d’écoute, des valeurs telles que l’honnêteté ou le souci du travail bien fait.
Ils ont aussi mentionné la volonté d’aider les autres (clients, collègues) à se sortir de difficultés, ainsi que la patience, l’enseignement d’une discipline de vie positive et de la politesse aux plus jeunes, une route bien construite dont ils étaient responsables ou des documents qu’ils avaient réalisés.
En revanche, un employé du ministère du Revenu (vous savez, le ministère que nous aimons tellement !) nous a lâché avec ironie qu’il allait léguer plus de 500 dossiers totalement inachevés aux jeunes qui occuperaient son poste après son départ.
Nous avons tous bien ri, et j’en ris encore… jaune.
D’autres participants ont répondu qu’ils n’avaient pas l’impression de laisser grand-chose derrière eux. Ils identifiaient leur travail à une simple source de revenus. Ils en avaient plus qu’assez d’être au service des autres ou de travailler pour une organisation qui ne reconnaît pas la valeur de leur travail !
En leur posant des questions et en discutant un peu avec eux, je finis, la plupart du temps, par les faire changer d’avis, mais pas toujours.
Je ne manque jamais de leur dire que leur salaire leur a au moins permis de contribuer au bien-être de leur famille, et tout particulièrement à celui de leurs enfants, s’ils en ont.
Pour, et avec les autres…
Réaliser au moment du départ à la retraite que tout ce que nous avons fait de bien ne l’a pas été en vain nous permet non seulement de partir le cœur en paix, mais surtout de reconstruire une nouvelle identité sur des bases solides
La générativité, c’est la trace, l’empreinte quasi ineffaçable que nous laissons dans notre sillage, partout où nous passons.
Il s’agit d’une manifestation flagrante de la maturité que nous sommes parvenus à atteindre, particulièrement lorsque le don d’un peu de soi devient plus important que soi.
Elle ne peut exister sans quelques préalables, notamment une identité claire et forte, de solides valeurs de coopération, de solidarité et de partage, la capacité d’entrer en relation intime avec les autres, la générosité, la volonté de contribuer au développement et au bien-être d’autrui, en même temps qu’au nôtre.
Vous voyez, j’imagine, le lien entre toutes les phases du développement humain que j’ai présentées dans les points de repère précédents.
Elle se concrétise de diverses façons. Voici quelques exemples :
– Contribuer à la construction d’un monde meilleur et le laisser en meilleur état quand nous partirons… pour un monde meilleur.
– Chercher à transmettre tout ce que l’on a appris et acquis au fil de notre vie.
– Vouloir se régénérer soi-même, en cherchant à projeter notre identité au-delà de la retraite, du vieillissement et même de la mort.
– Créer de nouvelles idées, des projets, des produits et surtout des êtres nouveaux (nos enfants).
À propos de la mise au monde d’enfants, je ne peux pas m’empêcher de souligner que, pour certaines personnes, la procréation n’a vraiment pas de lien avec la générativité.
Leurs intentions et leurs actions sont loin de viser le bien-être de leurs enfants. Il suffit de penser à tous ces cas de maltraitance, de violence et d’exploitation que ces tout-petits ont à subir.
… ou le repli sur soi-même
À l’opposé, l’absence de générativité amène une personne à se replier sur elle-même, sur son propre bien-être et son confort.
Ses valeurs se rapprochent plus de l’individualisme, voire du nombrilisme pour certains, que de l’altruisme.
Lorsqu’elle donne, c’est la plupart du temps dans le but de recevoir quelque chose en retour.
Elle refuse de s’engager, autant dans des causes que des relations, tout en exigeant beaucoup d’autrui.
Alors, plus elle vieillit, plus elle risque de souffrir de solitude et d’ennui, en plus de garder au fond d’elle-même un gout amer, et probablement aussi le sentiment que plus rien d’intéressant ne se passe et que sa vie s’appauvrit de jour en jour.
Elle risque aussi d’entretenir des idées suicidaires et même de passer à l’action particulièrement lorsque tout ce qui donnait un certain sens à sa vie disparaît tout à tour : travail, activités, conjoint, amis et santé, par exemple.
Il n’est jamais trop tard pour faire changer les choses…
(À suivre : faire un retour en arrière sur sa vie pour y trouver des traces de bonté, de générosité, d’altruisme, etc., que l’on a oubliées. Et des idées d’activités pour aider, partager, protéger, aimer…)
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Pour que la vieillesse ne soit pas une dérisoire parodie de notre existence antérieure, il n’y a qu’une solution, c’est de continuer à poursuivre des fins qui donnent un sens à notre vie: dévouement à des individus, des collectivités, des causes, travail social ou politique, intellectuel, créateur. Simone de Beauvoir
Nos choix de vie et nos actions les plus importants sont pilotés par la volonté de combler nos besoins et d’exprimer nos valeurs et nos désirs pour donner un sens à notre vie. À la retraite, il n’est en effet pas question «d’occuper» son temps, de remplir son agenda (par peur du vide ou pour «épater la galerie»?) ou d’être actif à tout prix. Je vous propose donc une abondance d’idées d’activités pour y parvenir.
Vivre, aimer, créer, apprendre, partager, protéger… trouver le sens