Les quatre temps du mitan et les facteurs exacerbant la crise
Par Marie-Paule Dessaint, docteure en sciences de l’éducation, auteure, conférencière et biographe
Le milieu de la vie, le mitan, est cette longue traversée du cycle de la vie, un «entre-deux » qui s’étend sur une période d’environ 25 ans, de 40-45 ans à 65 ans, entre la jeunesse (adolescence et jeune adulte) et le début de la vieillesse
Cet article complète Affronter la crise du milieu de la vie, la présentation des formations et des entretiens privés que je donne, à propos de cette délicate transition du cycle de la vie.
Il présente les quatre temps du mitan (le milieu de la vie) et un survol des facteurs qui risquent d’exacerber cette crise (la rendre plus aiguë).
LE TEMPS DES TURBULENCES
Le midi de la vie est l’instant du déploiement extrême, où l’homme est entier à son œuvre avec tout son pouvoir et tout son vouloir, mais c’est aussi l’instant où naît le crépuscule Carl Gustav Jung
Pour la majorité des gens, le milieu de la vie, cette transition correspond à une période active sur les plans professionnel et social et, pour beaucoup, au temps de la construction d’une famille et de l’accompagnement des enfants jusqu’à ce qu’ils deviennent des adultes
Des turbulences, des difficultés, des questionnements et des remises en question, plus ou moins intenses, et plus ou moins douloureux les attendent.
Cependant ils n’aboutissent pas forcément à une « crise», même si elles peuvent mettre la vie sens dessus dessous et les rendre plus vulnérables, le temps qu’ils se reconstruisent… en mieux, avant de retourner, dans la majorité des cas, au calme et à l’équilibre.
Ils sont invités à réviser leurs priorités, leurs besoins, leurs valeurs, leurs choix de vie et à se délester de certains «boulets» qui les empêchent d’avancer.
Pourtant, vu de l’extérieur, tout semble aller très bien pour la plupart des gens qui se trouvent au zénith de leur vie sur les plans de la carrière, du pouvoir personnel, des compétences et des relations.
Leur expérience professionnelle est reconnue et recherchée. Ils ont souvent fondé une famille et vivent une vie plutôt confortable.
Et pourtant…
UN GRAND REMUE-MÉNAGE ET UN GRAND REMUE-MÉNINGES EN VUE POUR CERTAINS
J’abandonne tout! Après avoir tout tenté, je me suis rendue jusqu’à l’épuisement. Vidée, je m’endormais au travail. C’est après avoir franchi un stop sans m’arrêter et avoir brûlé un feu rouge que j’ai décidé de tout abandonner. Avec l’aide de mon psychologue, et sans prévenir personne, j’ai quitté mon nid. Je suis allée vivre six semaines chez ma mère. Je n’en pouvais plus, autant de la situation entre mon mari et mes fils (ignorance), que du peu de reconnaissance que je recevais chez moi et au travail. J’étais à bout de souffle. J’avais beau parler et écrire, je n’étais plus entendue. Natacha. 43 ans dans Relire sa vie
Les quadragénaires et les quinquagénaires commencent à réaliser que l’essentiel de leur vie est déjà derrière eux. Comparativement aux autres transitions de la vie adulte, celle du mitan a cela de particulier qu’elle induit un désir irrépressible et urgent de renouveau
Parfois cette transition appellera carrément une renaissance, tant sur le plan de l’identité (à l’intérieur de soi) que sur le mode de vie personnel et professionnel (à l’extérieur de soi).
Au milieu de leur vie, bien des personnes réalisent qu’elles ont surtout consacré leur temps et leurs énergies à bâtir une carrière et à fonder une une famille.
Elles ont fait volontiers bien des concessions, et mis de côté bien des rêves et des pans entiers de leur personnalité.
Leur carrière s’est parfois bâtie au détriment de l’équilibre de leur vie affective, familiale et créative.
Une vague d’insatisfaction les submerge souvent
– Ces personnes se sentent prises comme dans un étau tant les pressions et les responsabilités les assaillent de toutes parts.
– Elles sont parfois très fatigués, sans vraiment savoir quoi faire, ou ne plus faire, pour se sentir mieux.
– Dans la foulée, elles prennent conscience de la fuite du temps et de l’amorce du déclin physique.
– Elles prennent conscience aussi de la fragilité de la vie, et même de la mort qui rôde à l’arrière-plan alors que des gens de leur entourage commencent à disparaître.
– Elles ressentent le besoin de faire le point sur ce qu’elles sont devenues, ce qu’elles ont accompli, mais aussi ce qu’elle ont négligé ou perdu en chemin.
Ces questionnements, ces remises en question et ce besoin de renouveau sont normaux, positifs, voire constructifs.
– Ils apportent d’ailleurs un vent de fraîcheur et de créativité dans la vie.
– Ils ouvrent la porte à un mieux-être, à une meilleure connaissance de soi, et par conséquent à un plus grand épanouissement.
Se libérer de plusieurs entraves
Pour s’épanouir totalement, il est temps de…
– se libérer graduellement des attentes et des exigences de l’environnement social, familial, professionnel
et parfois religieux auxquelles nous nous sommes pliés jusque là
– se débarrasser de certains masques sociaux et professionnels
– permettre à des caractéristiques de la personnalité reléguées dans l’ombre de se faire reconnaître et entendre
LES QUATRE TEMPS DU MITAN
Le mitan se déroule approximativement en quatre temps
– La transition, entre 40 ans et 45 ans
Il est temps de faire le point sur le passé et de vérifier ce qu’il reste à faire.
– L’ entrée, entre 45 et 50 ans
C’est le moment de se renouveler pendant qu’il est encore temps, de faire de nouveaux choix de vie et de donner vie à nos rêves.
– Le cœur, entre 50 et 60 ans
Il est temps d’accepter de vieillir et de s’adapter lucidement au vieillissement (sans baisser les bras), de devenir plus souple, plus tolérant et plus chaleureux, de chercher à aider les autres, autant nos enfants que des inconnus.
– La sortie, entre 60 et 65 ans
Nous voilà en route vers la sagesse et l’intégrité. Il s’agit maintenant de s’adapter à la soixantaine et aux problèmes de santé, d’approfondir nos relations interpersonnelles et de poursuivre la générativité.
– À partir de 65 ans, la « vieillesse» commence.
Vieillir conduira à l’intégrité ou au désespoir
Il est temps d’accepter notre propre cycle de vie comme celui qui nous était destiné et que nous avons suivi délibérément.
En fait, il s’agit de vieillir avec élégance et maturité.
SOMMES-NOUS À CE POINT PROGRAMMÉS?
La réponse est oui et non.
Oui, parce que toutes les études, même récentes, montrent bien que la plupart des gens présentent des caractéristiques semblables à chaque stade de leur cycle de vie.
Cela malgré les différences physiques, psychologiques et sociales.
Malgré aussi la rapidité (ou la lenteur) avec laquelle ils franchissent chaque stade ou encore leur degré de maturité.
Mais non, nous ne sommes pas si programmés que cela.
Certains vont s’attarder plus longtemps que d’autres à un stade en particulier de leur parcours de vie, et même faire un retour en arrière, alors que d’autres vont plutôt presser le pas et franchir un stade bien avant d’y être arrivé ou, au contraire, beaucoup plus tard.
Par ailleurs, nous nous sommes probablement déprogrammés en même temps que les mœurs ont évolué au fil du temps.
Le contexte social, économique, familial ou culturel dans lequel une personne grandit et vieillit vient en effet changer la donne.
QUELQUES FACTEURS EXACERBANT LA CRISE DU MITAN
Une crise réelle, psychologique et existentielle intense peut s’enclencher si, d’une part, des événements douloureux et inattendus se produisent et, d’autre part, si la personne se trouve déjà dans un état de souffrance psychique difficile. Tout dépens aussi de l’état d’esprit dans lequel elle abordera tous ces événements et changements
Voici quelques exemples de facteurs qui peuvent exacerber la crise du milieu de la vie (le mitan)
– La perte de l’emploi ou du statut social.
– La découverte de l’infidélité du (ou de la) partenaire de vie.
– Une séparation ou un divorce.
– Les problèmes financiers.
– La perte d’êtres chers: parents, conjoint, frères et sœurs, amis.
– Le mode de vie des enfants qui ne correspond pas à nos attentes ou à nos valeurs.
– Des problèmes de santé majeurs. – Les problèmes de sommeil.
– Les peurs et l’angoisse. – La dépression.
– Les dépendances: alcool, nourriture, drogues.
– La solitude et l’isolement. – L’absence de personnes à qui se confier.
– La résistance au changement.
Mais tous ces facteurs ne sont pas la crise elle-même, car on les observe également à d’autres périodes du cycle de vie.
Le risque de crise s’accroît si ces événements se produisent simultanément ou dans un laps de temps assez court, ce qui arrive plus souvent après la quarantaine qu’aux étapes précédentes du cycle de vie.
L’important est de prendre du temps et des moyens, pour soi, et ne pas occulter ou escamoter cette crise naturelle du milieu de la vie. Car, la réussite de la transition de la cinquantaine évitera d’en vivre une autre, plus intense, au moment de partir à la retraite
MON OFFRE DE FORMATION POUR NÉGOCIER (AFFRONTER) AU MIEUX LA CRISE DU MILIEU DE LA VIE
Au milieu de leur vie, à partir de la quarantaine, bien des gens souhaitent opérer des changements dans leur vie ou y apporter des améliorations: travail, études, couple, santé, spiritualité, etc.
C’est bien, c’est normal et c’est naturel… Il est bon de faire le point si des turbulences commencent à se pointer à l’horizon.
Affronter la crise du milieu de la vie (formations)
Le prochain article (ci-dessous) explique comment se négocient les transitions de vie avant de s’adapter au changement et se détacher du passé.
LES TROIS PHASES INCONTOURNABLES DU CHANGEMENT
Dans son ouvrage Les transitions de vie, William Bridges divise les transitions en trois phases (ou étapes) : la fin, la zone neutre et le renouveau. Ces étapes correspondent au changement, à la transition proprement dite, puis à l’intégration du changement dans la vie, c’est-à-dire l’adaptation. Reconnaissez-vous ces étapes dans vos propres transitions de vie?
Le changement : trois phases incontournables