Les bienfaits de l’écriture de soi
Écrire sa vie, la relire et parfois la réécrire pour mieux rebondir et y retrouver un sens
Par Marie-Paule Dessaint, docteure en sciences de l’éducation, auteure, conférencière et biographe
Les témoignages de cet article sont authentiques. À part celui du Dr Dessaint (mon papa!), ils proviennent de mon livre Relire sa vie. 21 récits pour vous guider
Si je raconte ma vie, c’est avant tout pour la construire. Pour donner du sens. Comme toutes les vies, elle a charrié beaucoup de «pourquoi» pendant de longues années. Beaucoup de souffrances aussi. Raconter ma vie, c’est mettre du sens dans l’enchaînement de ces étapes. C’est apporter des réponses à des questions restées trop lourdes pendant longtemps. C’est aussi m’assurer du sens de ma boussole, c’est-à-dire de poser des choix pour l’avenir. Relire ma vie, c’est mettre un moteur sous mon capot! Samuel, 43 ans
Dans cet article, je précise la différence entre écrire sa vie, la relire et la réécrire
J’aborde rapidement la question des «mensonges» de notre mémoire, les faux souvenirs, souvent inconscients, dont il faut tenir compte lorsque nous relatons des événements particuliers de notre vie. Vous pourrez bientôt lire ici, un article assez fascinant à ce sujet extrait de deux de mes livres consacrés au cerveau, à la mémoire et à l’intelligence.
Et voici déjà, pour commencer, quelques questions qui pourraient vous inspirer si vous décidez de structurer votre histoire de vie, selon les grandes étapes du cycle de la vie adulte.
ÉCRIRE SES MÉMOIRES; SA VIE
Écrire sa vie pour laisser un trace de soi, transmettre, expliquer…
Depuis longtemps je rêve d’écrire, non pas mes mémoires (je ne me prends pas pour De Gaulle ni pour Churchill), mais de dire, au jour le jour, ce que je pense des événements, des personnes qui m’entourent, de mes patrons, de mes confrères… Je n’ai pas l’intention d’être publié, mais d’être lu un jour par mes petits-enfants qui se rendront compte que l’histoire écrite par les historiens a souvent besoin, pour être le reflet de la réalité, de rectifications apportées par les témoins des événements. Je vais bientôt avoir 60 ans. Les événements s’accumulent. Avant de tracer notre généalogie (jusqu’aux grands-parents, pas plus), il faudrait bien que je parle des astronautes que nous venons de voir pour la seconde fois marcher sur la lune. Aucun mot ne me paraît assez puissant pour qualifier cet exploit qui répète celui de juillet dernier. Dr Jean Dessaint, 22 novembre 1969
Dans mes activités professionnelles, il m’arrive d’accompagner des personnes qui souhaitent écrire leur autobiographie ou la biographie d’un proche, leur histoire de vie.
L’objectif de ces personnes est de laisser une trace d’elles-mêmes pour leur famille, leurs enfants et leurs petits-enfants, leurs amis, leurs collègues, voire un lectorat plus vaste dans le cas d’une personnalité publique.
Ce récit de vie qui contient au moins une centaine de pages est réservé aux proches ou publié par une maison d’édition ou en autoédition.
En principe, contrairement à la relecture de vie, l’autobiographie n’a pas de fonction thérapeutique.
Cependant, il arrive qu’une personne veuille justifier certaines de ses actions ou s’en excuser, guérir son égo blessé, remettre certaines pendules à l’heure ou se libérer de moments douloureux et difficiles de son passé: agression, violence conjugale, inceste, viol, accident ou maladie graves qui hypothèquent le reste de sa vie.
Alors, dans ce cas, écrire sa vie peut avoir un effet thérapeutique. Et c’est à ce niveau que le récit de vie et la relecture de vie se rencontrent sur le même terrain.
RELIRE SA VIE
Chercher le sens, débusquer les blocages, sortir le problème de soi pour mieux l’analyser et le comprendre. Trouver des réponses
Qu’est-ce qui me dérange le plus en ce moment, qui se produit et se reproduit encore et encore et que j’aimerais résoudre, changer ou améliorer en priorité ? Qu’est-ce qui me rend malheureux ou heureux? Puis-je trouver ces réponses en écrivant ou en relisant mon histoire?
Dans mes autres activités professionnelles, notamment lors d’entretiens privés (consultations), il m’arrive à l’occasion de proposer aux personnes en pleine transition de vie de recourir à ce type d’écriture autothérapeutique: la relecture de sa vie.
Contrairement à l’autobiographie, la relecture de vie est réalisée (écrite) pour soi et par soi seulement et sans complaisance puisque personne n’y a accès.
Elle ne comporte que quelques pages et ne traite que d’un seul sujet.
Une fois ce récit terminé, son auteur l’analysera avec une certaine distance et un détachement, un peu comme s’il lisait sa vie par-dessus sa propre épaule.
L’objectif est alors de tenter de mieux analyser un moment particulier de crise ou de turbulence, de trouver le sens de ce que la personne a fait et vécu, de se décharger d’un fardeau qu’elle porte seule, depuis toujours, de faire la paix avec elle-même, de se pardonner certaines répercussions de ses actions sur son entourage et parfois aussi, sur sa propre vie.
Certains événements et situations se prêtent bien à ce type de démarche: crise du milieu de la vie, difficultés relationnelles, perte de confiance en soi, perte de l’emploi, mise à la retraite anticipée, besoin de changement, dépression…
On cherche alors à trouver la source de ces problèmes qui l’empêchent de mener à terme ses projets et ses ambitions (résistances inconscientes, façons habituelles de réagir aux événements et au changement) puis des pistes d’action pour les résoudre.
Je privilégie l’écrit, car il laisse des traces
En permettant d’évacuer ce qui est lourd à porter ou difficile à supporter, mais aussi de faire remonter à la surface le meilleur de ce que l’on a été et de ce que l’on a accompli, la relecture de vie apaise, explique, justifie, libère, réoriente et dirige. Elle permet aussi de faire le deuil du passé et de l’intégrer avant de s’élancer dans une nouvelle étape. Cet exercice est exigeant et parfois long, mais bien fait, il est toujours bénéfique. Il apporte aussi sérénité et confiance en soi Marie-Paule Dessaint, dans Relire sa vie, p. 9
Lorsqu’un de mes clients écrit spontanément l’objet de ses soucis et de son besoin d’accompagnement avant notre première rencontre, cela nous permet de travailler directement sur l’essentiel, sans s’éparpiller et d’avancer plus vite dans la recherche de solutions et de leur application. Il est bon aussi qu’il continue à écrire et retravaille son contenu entre chaque séance au fur et à mesure de ses découvertes.
L’écrit est en effet un espace intime où l’on peut, loin des regards extérieurs, au moment qui nous convient le mieux, déposer à plat et sans retenue les émotions, les faits, les blessures et les bonheurs, un peu en désordre, au fur et à mesure où ils adviennent, sans avoir à les maquiller et se demander si on fait bien les choses!
On peut y revenir plus tard afin de compléter les textes, les agencer en un ordre logique ou carrément les effacer.
J’aime bien recourir à l’image de la montgolfière pour expliquer ce qu’est la relecture de vie (ou la résolution de toute difficulté ou la prise de décisions dans le changement), car, en nous élevant ainsi au-dessus de la situation, notre vision des choses est plus large et nous pouvons oublier les détails inutiles.
Et, surtout, personne n’est là pour nous dire quoi faire ou porter un jugement sur la situation et nos décisions.
Il ne faut pas oublier que notre identité est en partie conditionnée par nos relations avec les autres et par ce qu’ils racontent à notre propos.
Elle est influencée également par les plaintes et les histoires récurrentes, le plus souvent négatives que nous nous racontons à notre sujet… à longueur de journée.
À force de prendre toute la place dans nos pensées, ces histoires finissent par nous enfermer.
La relecture et la réécriture de vie devraient nous libérer de ce carcan.
Papier et crayon de préférence
J’aime écrire à la main, je trouve que l’ordinateur confère même à mes premiers brouillons un lustre trop brillant et pare les idées inabouties d’une netteté factice. Barack Obama, préface de La terre promise, 2020
Je suggère l’écriture manuscrite, et non à l’aide d’un ordinateur même si cela peut sembler fastidieux lorsqu’il faut corriger, reformuler, modifier nos textes.
Nombre d’études ont montré les bienfaits de l’écriture manuscrite pour le fonctionnement optimal du cerveau.
Écrire à la main permet à plusieurs fonctions cognitives de s’exercer sans être perturbées par les fonctions techniques du clavier de l’ordinateur.
Il s’agit notamment de la concentration, de la structuration de la pensée et des idées et du raisonnement logique.
La pensée devient plus claire.
Écrire à la main incite aussi, avant de commencer à rédiger, à s’attarder clairement, et le plus précisément possible, à l’ensemble de ce que nous allons exprimer : les idées et les concepts. (Source: p. 104-105 Rajeunir sa mémoire après 50 ans)
En solo aussi
Quand tu écris l’histoire de ta vie, ne laisse personne prendre la plume à ta place
Bien sûr, le récit et la relecture de vie, ou même leur réécriture peuvent être réalisés seul, sans être accompagné, surtout s’il ne s’agit que de prendre des décisions dans le changement.
C’est d’ailleurs l’idéal comme l’indique la citation ci-dessus (dont je ne connais pas l’auteur).
Souvent, avec le recul, le fait d’écrire pour soi, régulièrement, par exemple dans un journal intime permet de dédramatiser une situation et lui faire perdre son intensité.
On peut alors trouver soi-même des réponses et des solutions.
Toutefois, si une personne se trouve dans une période de grande vulnérabilité (en déséquilibre psychologique), il vaut mieux qu’elle consulte un coach ou un thérapeute, car il est plus difficile de se concentrer sur des solutions et, en écrivant sa vie, elle peut carrément se blâmer pour tout ce qui lui arrive et à tout envisager de façon dramatique même si ce n’est pas le cas.
Je veux parler de la fin de ma première vie et de ma renaissance, avec les enseignements que j’en tire. Mes souffrances, ma décision de changer de vie, de mourir symboliquement et de renaître. Ma dépression. Ma phase de guérison. Ma difficulté à assumer mes décisions. Bixente, 45 ans
Écrire et relire sa vie en vieillissant
Si toutes les étapes du cycle de la vie sont propices à une relecture de vie, la retraite, puis le grand âge semblent l’être davantage
En écrivant mon histoire, je veux me sentir encore utile en transmettant ce que j’ai appris avant de passer dans l’éternité. Charles, 82 ans
Bien des aînés se lancent d’ailleurs dans l’aventure du récit de leur vie (autobiographie, mémoires) mais (trop) peu encore dans sa relecture.
Cela leur permet notamment d’accepter leur cycle de vie comme celui qui leur était destiné, malgré les pertes, les échecs et les coups durs. Ils en comprennent mieux aussi le sens et l’évolution.
En fait, plus une personne vieillit, plus la relecture de sa vie s’impose d’elle-même à travers des souvenirs qui reviennent sans cesse à sa conscience sans y avoir été convoqués.
Arrivés à 85 ans, 80% des gens sont ainsi envahis par leurs souvenirs d’autrefois.
Dans son ouvrage De chair et d’âme, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik explique que les événements survenus entre 10 et 30 ans constituent la colonne vertébrale de notre identité.
C’est pour cette raison que plus tard, beaucoup plus tard, 30, 40 ou même 50 ans plus tard, nous relions souvent les événements et les objets du présent à cette période de notre existence. (Source. Rajeunir sa mémoire après 50 ans, p. 41).
Cette période de la vie est en effet remplie de «premières fois»: premier diplôme, premier amour, premier emploi, premier mariage…
Ce phénomène des récits de vie a contribué à l’explosion d’une nouvelle profession: les biographes de vie et de fin de vie.
Tous ne sont malheureusement pas formés à la relation d’aide. Et tous les auteurs en herbe ne réalisent pas la complexité du travail de l’écriture de soi.
Beaucoup s’attendent à ce qu’un éditeur publie rapidement leur histoire. Malheureusement, il y a peu d’élus parmi les milliers que ceux-ci reçoivent.
RELIRE SA VIE À PARTIR DE SON AUTOBIOGRAPHIE OU DE «TRÉSORS» ACCUMULÉS DU PASSÉ?
Je relis mon journal intime d’il y a 15 ans. Je constate que mes difficultés et insatisfactions d’alors sont les mêmes aujourd’hui. Ma lucidité d’autrefois m’étonne. Pourquoi n’ai-je pas compris à cette époque ce qui était en train de se tramer à l’arrière-plan? Maggy, 41 ans
Comme matière première au récit de vie ou à la relecture de vie, on peut utiliser son autobiographie, mais aussi son journal intime, des correspondances conservées au fil des années, des objets, des photos…
Cependant à mon avis, il vaut mieux écrire un nouveau texte, spontanément, en lien uniquement avec la problématique du moment afin de ne pas perdre de vue l’objectif premier: ce que l’on veut trouver et résoudre précisément.
Pour illustrer mon propos, je vous donne un exemple qui me concerne personnellement.
Au décès de mes parents, quand nous avons dû vider la maison où ils avaient vécu toute leur vie, j’ai retrouvé toutes les (très nombreuses) lettres, cartes postales, etc., échangées avec eux depuis que je vis loin d’eux, au Canada, alors qu’ils vivaient en France, soit près de 40 ans. Ils avaient aussi conservé mes petits mots d’enfant, les petits dessins réalisés pour la fête des pères et des mères, des carnets de notes scolaires…
En relisant tout cela avec ce long recul, j’ai appris énormément de choses sur moi, notamment à propos de mes rêves et de mes ambitions de jeunesse, de mes valeurs, de mes erreurs dans certains choix affectifs, de mes choix de vie et même de l’évolution de mon écriture.
Tout était daté et j’ai donc pu suivre le fil conducteur de ma vie.
Heureusement qu’à l’époque de mon enfance et de ma jeunesse…. le courrier électronique n’existait pas encore, car alors, je n’aurais jamais pu récupérer tous ces trésors.
C’était passionnant de réaliser que mes écrits du passé en savaient plus sur moi que moi! J’ai pu alors faire une relecture de ma vie et même en réécrire une petite partie
RÉÉCRIRE SA VIE
Réécrire sa vie c’est décrire le moi idéal, la situation idéale, puis élaborer des objectifs de changement et un plan d’action
Après s’être prêtés à cet exercice, cet «examen de vie» bien des gens opèrent des changements majeurs dans leur existence: séparation, nouvelle carrière, modification de comportements, lâcher prise, abandon de conceptions désuètes sur soi et sur le monde, adaptation aux deuils, amélioration de l’image de soi, etc. Ils se sentent alors davantage en contrôle de leur vie
Une fois les problèmes extériorisés grâce à la relecture de vie, il est possible de les déconstruire, puis de reconstruire des histoires alternatives.
Ces histoires alternatives nous permettent de reprendre contact avec nos rêves et nos aspirations ainsi qu’avec nos ressources cachées qui n’étaient pas prises en compte dans l’histoire dominante jusque-là.
L’étape suivante consiste alors à réécrire carrément (décrire par écrit) sa vie idéale, son moi idéal et la façon idéale dont on aimerait que les choses se passent.
L’accent est mis alors sur les forces, les bons coups et ce qui marche le mieux plutôt que sur les problèmes à résoudre.
Il suffit ensuite de les traduire en objectifs, puis en un plan d’action.
Nous devenons en fait notre propre thérapeute.
LES PETITE MENSONGES DE LA MÉMOIRE
Les faux souvenirs… et les autres
Le bon vieux temps: tout ce que la mémoire range dans ses débarras en gommant le médiocre pour n’en retenir que le meilleur. Philippe Bouvard, humoriste français
Puisque l’autobiographie sera lue par d’autres, son auteur ne révèle pas toujours l’exacte vérité. Il peut carrément l’enjoliver (délibérément ou non) et omettre des souvenirs de moindre grande fierté
Aussi, comme je le conseille toujours à mes clients, il faut faire preuve d’une extrême prudence en traitant de sujets sensibles concernant d’autres personnes. Si celles-ci se reconnaissent et ne sont pas satisfaites de ce que l’on révèle sur elles, elles pourraient leur créer quelques ennuis judiciaires, en plus, parfois, des querelles familiales.
Il ne faut pas oublier aussi que la mémoire épisodique, la mémoire de nos souvenirs personnels se trompe parfois. Il lui arrive même de créer de faux souvenirs à notre insu.
Les faux souvenirs sont des événements jamais advenus, mais que nous sommes pourtant persuadés d’avoir vécus.
À force d’être répétés et entendus, ils s’infiltrent dans nos vrais souvenirs au point de transformer certaines de nos pensées, de nos croyances et parfois aussi des pans entiers de notre personnalité et de notre identité.
Bientôt un article sur ce sujet fascinant des faux souvenirs tirés de mes livres Rajeunir sa mémoire après 50 ans et Mémoire et intelligence. Réduire leur déclin de 50%.
Et, ci-dessous, un livre pour faire un peu plus et un peu mieux connaissance avec vous-même en période de changement ou d’introspection ou encore pour trouver des idées (thèmes) lors de l’écriture de votre autobiographie… avant d’en ouvrir un nouveau chapitre.
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Faire plus ample connaissance avec soi dans le changement afin de rebondir, en mieux et faire des choix éclairés
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