Méditer, c’est bon pour la mémoire et la santé, mais parfois risqué
Il ne faut pas s’en priver, mais sans en abuser
Par Marie-Paule Dessaint, docteure en sciences de l’éducation, auteure, conférencière et biographe
La méditation accentue les effets des traitements, augmente les émotions positives, atténue les effets du stress, des pensées négatives et des ruminations typiques des états anxieux et dépressifs, facilite le contrôle des crises de colère et de boulimie (impulsivité), booste la mémoire, etc.
Je relis un ancien numéro du magazine Le monde de l’intelligence de 2012.
Ce qui m’avait attirée à l’époque, c’est que les auteurs y établissaient un lien entre la méditation et l’amélioration de la mémoire; mon sujet de prédilection (livres, articles et formations) dont il est question dans cet article.
On pouvait y lire notamment que quatre jours de méditation, à raison de 20 minutes chaque fois, suffisent à booster la mémoire, la vigilance et l’attention visuelle
D’autres études plus récentes confirment évidemment cette intéressante découverte.
Dans cet article, je fais un survol des effets favorables de la méditation sur la santé et la mémoire, mais aussi de ses risques moins connus.
Je vous propose ensuite d’apprendre à faire un balayage corporel (body scan), une technique à laquelle vous pouvez recourir dans les moments de stress ou tout simplement pour vous relaxer après une longue journée mouvementée et stressante afin de bien dormir.
Ou encore de pratiquer la marche méditative (méditation marchée) et la cohérence cardiaque pour leurs effets anti-stress et bons pour la concentration.
Toutes ces informations proviennent des recherches que j’ai menées lorsque j’ai réalisé mes livres papier et audio consacrés à ce sujet, particulièrement de Le cerveau. Comment entretenir votre mémoire et votre intellligence, p. 238 à 246.
– Mémoire et intelligence. Réduire leur déclin de 50%, 2022
– Rajeunir votre mémoire. Consolider les fondations (livre audio, 2021)
– Rajeunir sa mémoire après 50 ans. Principes et stratégies à la portée de tous, 2021
– Le cerveau. Comment entretenir votre mémoire et votre intelligence, 2019
Méditer pour mieux apprendre
Les enfants aussi
Il existe un nombre croissant de travaux montrant l’intérêt de la méditation de pleine conscience auprès des enfants, pour l’équilibre émotionnel, les capacités de résilience, la qualité des échanges familiaux et les capacités attentionnelles, notamment dans le travail scolaire et les apprentissages. Christophe André (cité par Amanda Castillo dans LeTemps)
Dans son article À l’école, méditer pour mieux apprendre (LeTemps, 10 juin 2023), Amanda Castillo fait état de plusieurs études pionnières dont celles de la neuroscientifique Sara Lazar de l’Université Harvard (2005) et celles de la neuroscientifique Eileen Luders et son équipe du laboratoire de neuro-imagerie de l’Université de Californie (2009).
Chez les personnes pratiquant la méditation de pleine conscience, ces études ont montré:
– un épaississement du tissu cérébral du cortex préfrontal gauche (impliqué dans les processus cognitifs émotionnels et le sentiment de bien-être)
– une augmentation de la matière dans les zones liées à l’attention, à la mémoire et à l’apprentissage
– une augmentation de la matière grise de l’hippocampe, en même temps qu’un rétrécissement de l’amygdale qui est impliquée dans la gestion des émotions telles que la peur et la colère
– l’activation des aires cérébrales liées à la bienveillance et à l’empathie
Méditer pour la santé
Accentuer les effets des traitemente thérapeutiques et réduire les risques de rechute dépressive
La méditation de pleine conscience ne fait pas qu’améliorer la mémoire et la vigilance.
Elle…
– accentue les effets des traitements thérapeutiques: cancers, troubles gastriques et intestinaux, fibromyalgie…
– réduit l’intensité des douleurs chroniques et de la détresse qu’elles occasionnent
– participe à la guérison des problèmes de peau, par exemple le psoriasis
– réduit de moitié les symptômes de l’anxiété et des risques de rechute dépressive
Des hôpitaux ont d’ailleurs recours à la méditation de pleine conscience pour aider leurs patients à mieux gérer leur stress ainsi qu’à soulager leurs douleurs et la détresse qu’il occasionne.
Le système nerveux parasympathique se mobilise
Tous ces effets positifs résultent du fait que la méditation mobilise le système nerveux parasympathique (le calme appelé aussi système vagal) afin qu’il ralentisse le système nerveux sympathique (le nerveux, autrefois appelé orthosympathique)
L’objectif est d’atteindre l’équilibre entre ces deux indispensables systèmes afin qu’ils travaillent tout à la fois en collaboration et en opposition pour nous assurer une meilleure santé, physique et psychologique.
Un sympathique pas toujours calme et sympathique
Le système nerveux sympathique prépare l’organisme à l’action et au travail intellectuel ainsi qu’à la fuite ou à la lutte en cas de danger ou de stress intense.
Par exemple, sous l’effet de la colère, de l’irritation, de la peur, des ruminations et des anticipations anxiogènes, il sécrète du cortisol, l’hormone du stress et provoque diverses réactions sur les organes.
C’est un grand consommateur d’énergie, comparativement au parasympathique qui cherche plutôt à l’économiser et à la restaurer en ralentissant les fonctions de l’organisme.
S’il est trop stimulé, le sommeil devient plus difficile et les rêves plus houleux.
Le système nerveux parasympathique apaise et ralentit tout le monde!
Sous son influence, l’état émotionnel s’apaise.
Le sommeil est plus réparateur et les rêves plus calmes.
Si le parasympathique ne peut pas remplir son rôle convenablement, la colère, la détresse ou même la dépression s’invitent souvent.
L’organisme s’use prématurément et le système immunitaire s’affaiblit.
La maladie se met de la partie.
C’est alors que la méditation de pleine conscience ou la cohérence cardiaque, le yoga ou le tai-chi accourent… à la rescousse
La méditation de pleine conscience peut se pratiquer de façon laïque
Il n’est pas indispensable d’adopter une posture statique (tailleur, lotus) et il est même possible de méditer en marchant ou en nageant, en observant un paysage, une œuvre d’art ou une bougie allumée, en répétant un mot (un mantra ou non), en faisant du yoga, du tai-chi…
L’important est de fixer notre attention sur quelque chose, un mouvement, un objet, le souffle, un mot, et de se concentrer suffisamment pour maintenir notre esprit dans le moment présent
L’objectif est de se détacher suffisamment de toutes ces pensées et de tous ces automatismes qui nous amènent… ailleurs.
Une simple marche ou une retraite en silence font d’ailleurs bien l’affaire puisque l’objectif est de calmer le vacarme intérieur causé par les sollicitations de toutes parts, les pensées qui se bousculent, les activités qui se succèdent à un rythme d’enfer afin de mieux s’entendre et se comprendre, de l’intérieur.
Une surabondance de sites, d’applications et d’articles sur la méditation
Plus de 45 000 articles et travaux universitaires en 2017
Il existe une abondance de sites, d’applications et de capsules YouTube proposant des techniques de méditation bien ciblées. Il suffit de taper ces mots dans un moteur de recherche.
Déjà en 2017, lorsque j’ai écrit un de mes livres sur la mémoire, j’avais relayé ce passage du magazine LeTemps écrit par la journaliste Julie Rambal.
Imaginez les chiffres, aujourd’hui, en 2023-2024!
Je reproduis ce passage à nouveau.
Le marché du zen s’est envolé à un niveau stratosphérique: il existe désormais plus de 1000 applis de méditation, telle Headspace, déjà téléchargée 11 millions de fois dans 22 pays… En cinq ans, quelque 45 000 articles et travaux universitaires sur les bienfaits de la méditation ont également été publiés selon le New York Times, et le mot «mindfull» (pleine conscience) se retrouve jusque sur des pots de mayonnaise et de peinture aux États-Unis
Méditer: des risques bien réels
60% des gens qui pratiquent la méditation sont confrontés à des effets indésirables
.L’engouement pour la méditation occulterait ses effets secondaires, Catherine Mary, dans Le Devoir, 12 février 2018
Méditer n’est toutefois pas une simple technique de relaxation et encore moins une solution facile et rapide pour résoudre tous les problèmes et apporter le bonheur sur un plateau d’argent comme les publicités de certains organismes (pas tous, heureusement!) le font croire afin d’inciter les gens à s’inscrire à leurs activités, parfois hors de prix.
Certains tentent en effet de profiter de la crédulité des gens sans se soucier des problèmes, rares, mais parfois très graves, qui peuvent survenir.
Jusqu’en 2015, seulement 25% des études publiées sur la méditation notaient ses effets indésirables.
Au nombre des effets indésirables de la méditation, on peut retenir
– des états d’euphorie – des visions – des douleurs physiques intenses
– la dépendance (vouloir en faire trop, tout le temps: addiction)
– le détachement exagéré (se réfugier dans la méditation pour ne plus voir ses problèmes…. ni le monde autour de soi)
– le retour fulgurant à la conscience de souvenirs pénibles et douloureux enfouis dans la mémoire
– une sensation de morcellement du corps – la dépersonnalisation – les phénomènes moteurs incontrôlables
– la paranoïa – la colère…
La méditation peut même réveiller des idées suicidaires.
C’est pourquoi la méditation en général et la méditation de pleine conscience en particulier ne sont pas indiquées pour les personnes mentalement fragiles et pour celles qui souffrent de problèmes psychiatriques (troubles graves de la personnalité, hallucinations, délire) et psychologiques.
Les personnes encore aux prises avec des séquelles d’abus physiques, sexuels et psychologiques, celles qui ont des attaques de panique récurrentes ou qui sont en pleine dépression devraient s’abstenir de méditer.
Un exercice: le balayage corporel (body scan)
Pour les moments de stress ou pour se relaxer après une longue journée mouvementée afin de bien dormir
L’objectif premier du balayage corporel, qui précède généralement une séance de méditation, n’est pas de relaxer, mais de devenir totalement conscient du moment présent, sans aucun jugement.
Vous trouverez tous les détails sur cette technique dans le livre de Jon Kabat Zinn (p. 123) Où tu vas, tu es. Apprendre à méditer pour se libérer du stress et des tensions profondes.
Ou encore sur Internet, bien que les façons de procéder diffèrent quelque peu les unes des autres.
Au lieu d’écrire un long exposé sur la façon de faire le scan corporel, je vous invite à écouter cette capsule YouTube de Cédric Michel.
Profitez-en pour découvrir ses nombreuses et magnifiques méditations gratuites
Méditer en marchant: la marche méditative
Se centrer sur l’intérieur et non sur l’extérieur
On peut pratiquer la marche méditative (la méditation «marchée»), chez soi, à l’intérieur ou, idéalement à l’extérieur, dans un parc ou une plage, si possible, les pieds nus.
Pendant ce moment, on se centre vers l’intérieur de soi plutôt que sur l’extérieur.
On prend conscience du moment présent en se centrant sur notre respiration et les sensations de notre corps; sur ce que l’on ressent vraiment.
On commence par prendre quelques longues et profondes respirations (par le nez) et on se tient bien droit, la tête haute.
Il s’agit alors de marcher naturellement, comme on le fait habituellement, mais en nous centrant sur nos pas (nos pieds).
Si l’esprit s’évade, il suffit de laisser passer les pensées et les préoccupations sans nous y arrêter et de nous centrer à nouveau sur nos pas.
Voici une capsule YouTube d’une durée de 20 minutes, créée par Lucie Pascutto, pour vous accompagner pendant votre méditation marchée…
J’ai d’ailleurs pris l’habitude d’apprendre aux participants à mes formations, souvent des professionnels, un peu absorbés par le tourbillon de leur travail, la méditation-marchée que je pratique régulièrement quand… je n’oublie pas!
Le yoga, le tai-chi et le chi kung aussi
Réduire aussi les risques de chute de 40% chez les aînés
Pratiquer la méditation, le yoga, le tai-chi ou le chi kung permet
– de se recentrer
– d’apaiser le corps et l’esprit
– de se distancer suffisamment des préoccupations, des pensées et des émotions
– d’accéder alors à la dimension plus spirituelle et existentielle de notre personne
… et la cohérence cardiaque
Pour relaxer, se calmer (si nécessaire), réduire le stress et la tension artérielle, le risque cardiovasculaire et celui de dépression, mieux se concentrer et renforcer le système immunitaire
Mais, ce n’est pas un remède miracle!
Pour moi, il s’agit simplement d’un moment de calme et d’apaisement au milieu du tourbillon quotidien.
Voici d’ailleurs ce qu’en dit l’INSERM, L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (France) dans cet article du 24 mai 2023.
Le problème, c’est que la frontière devient parfois très mince entre les connaissances scientifiques actuelles et les interprétations et usages prodigués au grand public, notamment par des entreprises privées à but lucratif. Les mécanismes biologiques sous-jacents de l’ASR (arythmie sinusale respiratoire ou cohérence cardiaque) sont mal compris et certaines affirmations concernant les bénéfices de la cohérence cardiaques sont parfois exagérées. Prétexter par exemple pouvoir guérir de nombreux maux — de la dépression à l’addiction en passant par le stress post-traumatique — grâce à des exercices de respiration, sans tenir compte de l’état actuel des connaissances encore limité et sans proposer d’autres prises en charge thérapeutiques, est une porte ouverte à des dérives.
Comment procéder?
Mettre en phase le rythme du cœur et celui de la respiration
3 fois par jour, pendant 5 minutes (donc 6 respirations par minute à chaque fois).
C’est pour cela qu’on l’appelle parfois La méthode 365.
Assoyez-vous confortablement, bien droit ; la colonne vertébrale étirée.
Respirez lentement et régulièrement pendant 5 secondes puis expirez pendant 5 secondes.
Quand vous inspirez, votre cœur accélère et quand vous expirez, il ralentit.
Ces deux séances de cohérence cardiaque que j’aime beaucoup (parmi tant d’autres), trouvées sur la chaîne YouTube de Jean-Claude Welche vont non seulement vous montrer comment faire, mais aussi… vous ravir.
Le bruit de la mer-cohérence cardiaque
La ronronthérapie-cohérence cardiaque
Vous pourriez aimer lire aussi l’introduction du livre dans laquelle il est aussi question de l’attention, de la concentration et du flow
Mémoire et intelligence. Réduire leur déclin de 50%
Je prépare les gens à la retraite depuis une bonne trentaine d’années. J’ai souvent constaté à quel point les participants à mes formations souhaitent conserver leurs facultés intellectuelles, leur autonomie et leur santé, bien avant leur propre accomplissement et leurs loisirs. Ils s’inquiètent à l’idée de devenir dépendants des autres en vieillissant et de ne plus pouvoir profiter de la vie.
Le livret, Mémoire et intelligence. Réduire leur déclin de 50%, rassemble les idées clés des conférences que je prononce sur la mémoire et l’intelligence (mes notes de cours, en fait), ainsi que des livres brochés, numériques et audio que j’ai publiés sur ce sujet. J’y ai sélectionné les meilleures pratiques pour préserver les fonctions cognitives, réduire leur déclin ainsi que le risque de démence.
Livre mémoire et intelligence. Réduire leur déclin de 50% (introduction)