Quoi faire à la retraite quand on souhaite travailler
Si la majorité des gens attendent la retraite avec impatience, pour se reposer et s’adonner à des activités de loisir, ce n’est pas le cas de tous
Par Marie-Paule Dessaint, docteure en sciences de l’éducation, auteure, conférencière et biographe
Cet article est inspiré de deux de mes livres: Cap sur la retraite. 25 points de repère pour franchir les transitions (Flammarion Québec)
et La retraite en vue? En route vers de nouveaux défis et aventures! (Transitions de vie) dans lequel vous trouverez tout un chapitre consacré au travail à la retraite, notamment un test pour vérifier si vous avez, par exemple, le profil d’un travailleur autonome ainsi que de nombreuses idées d’activités de retraite rémunérées.
Ainsi que des commentaires entendus pendant les conférences et les entretiens privés que je propose.
Vous pouvez lire un article semblable que j’ai écrit pour le site OrientAction sous le titre: Travailler à la retraite. Entre nécessité et accomplissement
LES RETRAITÉS AU TRAVAIL: DES BESOINS ET DES MOTIVATIONS VARIÉES
La retraite? Une nouvelle et formidable proposition de la vie dont il faut profiter amplement
Si la majorité des gens attendent la retraite avec impatience, pour se reposer enfin et s’adonner à des activités de loisir, ce n’est pas le cas de tous.
Plusieurs ne s’arrêtent pas, par choix, quitte à se redéployer dans une carrière correspondant mieux à leurs aspirations et à leur âge alors que d’autres, travaillent par nécessité financière.
Les uns et les autres réalisent que la retraite, pourtant idéalisée, ne leur permet plus de combler totalement tous leurs besoins, financiers, intellectuels, sociaux ou relationnels
Il est temps alors de rapatrier les compétences, les connaissances et les expériences acquises au fil du temps et, pourquoi pas en acquérir d’autres pour les mettre au service des autres dans un travail qui leur plaît.
Il est temps aussi d’abandonner les contraintes, les exigences et les responsabilités excessives que le travail imposait jusque-là. C’est un privilège que nous offre la retraite. Il faut en profiter!
POURQUOI TRAVAILLER À LA RETRAITE?
Travailler à la retraite? Plus que pour l’argent: se réaliser encore, contribuer, sortir de chez soi, se constituer un fonds de réserve, s’offrir du bon temps, aider les enfants, ne pas parvenir à «décrocher»..
Une étude annuelle de Statistique Canada portant sur les caractéristiques de la population active selon le sexe et le groupe d’âge, nous apprend que plus de la moitié (53,2 %) des Canadiens âgés de 60 à 64 ans travaillaient en 2021, comparativement à 34,2 % en 2000. De leur côté, 25 % des 65 à 69 ans travaillaient en 2021 (11 % en 2000) et 7,1 % des 70 ans et plus (3,5 % en 2000)
Je fais souvent bondir certains participants à mes ateliers et conférences de préparation à la retraite qui n’aspirent qu’à se reposer, une fois le monde du travail organisé derrière eux. Mais pas tous!
Je leur dis alors que pour franchir la transition en douceur, il est bon de travailler un peu, ne serait-ce que quelques jours par semaine, mais pas toute l’année et, dans la mesure du possible, avec moins de responsabilités qu’avant. S’ils le souhaitent, bien sûr. Et, idéalement, opter pour un emploi passerelle (voir plus loin).
Des études dont j’ai fait une synthèse dans Cap sur la retraite, ont montré que près de la moitié des baby-boomers canadiens ne veulent pas travailler, car ils arrivent à la retraite usés par une vie de dur labeur… Mais les autres le souhaitent!
Cependant, la majorité des retraités ne retournent pas au travail, malgré leur désir, parce qu’ils auront à payer des impôts supplémentaires et perdront probablement une part de leur rente de retraite. C’est ce que j’entends souvent. (voir à la fin, un article sur ce sujet)
Dommage, mais c’est la triste réalité alors qu’il manque cruellement de main-d’oeuvre aujourd’hui.
Pourquoi les participants à mes ateliers de préparation à la retraite veulent-ils travailler?
Travailler à la retraite: se gâter et donner une image positive des retraités
Voici ce que j’entends le plus souvent:
Je veux travailler à la retraite, mais pas trop, pour…
– me gâter
– voyager
– aider mes enfants et mes petits-enfants
– me constituer un fonds de réserve en cas de maladie, afin de me faire soigner plus rapidement
– occuper mes journées parce que mon partenaire de vie est encore au travail
– éviter de marcher sur les pieds de mon partenaire de vie, surtout si nous avons décidé de vivre dans un logement plus petit pour réaliser des économies
– éviter que, si je reste chez moi à ne pas faire grand-chose, mon entourage, notamment mes enfants, mes petits-enfants et même mon partenaire de vie m’estiment beaucoup moins.
Travailler à la retraite: continuer à se réaliser et à contribuer
Bien plus que pour l’argent…
Voici ce que j’entends aussi:
– continuer à me mettre à jour dans mon domaine d’expertise que j’aime tellement encore
– rester actif intellectuellement, apprendre et me perfectionner encore
– continuer à relever des défis
– mettre encore mes connaissances, mes compétences, ma créativité et mes valeurs au service des autres
– me sentir utile socialement
– maintenir mon statut social et mon niveau de vie aisé, quitte à accepter encore les concessions et les sacrifices que cela impose
– saisir l’occasion de faire émerger ma personnalité entreprenante qui a été plus ou moins brimée par mon emploi avant la retraite
– actualiser mes valeurs liées à l’actualisation de mon plein potentiel, au confort et à la prospérité
– donner encore à ma vie tout le sens qu’elle mérite
– la passion pour mon métier qui est restée intacte
Travailler à la retraite: masquer un mal de vivre
Certains travailleurs…
– sont incapables de décrocher de leur ancienne profession tant ils sont pris dans un grand tourbillon dont ils éprouvent des difficultés à sortir
– s’étourdissent dans l’action pour masquer un certain mal de vivre, la solitude ou parce qu’ils ne savent pas quoi faire d’autre
Ceux-là auraient avantage à ralentir un peu le rythme et à rectifier le tir pendant qu’ils le peuvent encore.
Le lâcher-prise et le bonheur, ça s’apprend aussi !
La retraite est le moment parfait pour s’y entraîner.
Travailler à la retraite: éviter la cohabitation continue avec le partenaire de vie
Tout est devenu difficile. Ils n’ont plus vraiment d’intérêts communs et ne se sentent pas vraiment accueillis chez eux.
Dans ce cas, il vaut mieux continuer à travailler, même si cela ne les enchante guère…
ou partir avant que tout… explose!
Vous pourriez aimer lire cet article: Le couple à la retraite. Bonheur ou péril en la demeure?
Travailler à la retraite: par nécessité financière (ne pas avoir d’autre choix)
C’est très bien de parler d’activités de retraite pour être heureux, de bénévolat, de voyages, de sauvetage de la planète ou je ne sais trop quoi encore. Tout cela c’est pour les privilégiés qui peuvent se le permettre. On ne parle pas beaucoup des conditions de vie des gens qui vivent seuls, surtout des femmes qui ne touchent pas de pension. Je veux bien me réjouir à l’idée de prendre ma retraite, mais je ne le peux pas pour des raisons économiques. Si je ne veux pas que ma vie de retraitée soit misérable, je dois continuer à travailler. Maryse H. dans La retraite en vue?
ENCOURAGER LES RETRAITÉS À TRAVAILLER JUSQU’À 75 ANS?
Rendre le travail à la retraite fiscalement plus attrayant pour ralentir le déclin économique
Sur le plan collectif, le maintien des retraités au travail jusqu’à 75 ans pourrait ralentir le déclin économique annoncé pour 2030 avec le départ massif des baby-boomers à la retraite
Les gouvernements devraient consentir quelques efforts supplémentaires pour rendre le travail fiscalement plus attrayant afin d’attirer au travail les aînés compétents.
Voici quelques moyens trouvés dans cet article de La presse canadienne du 21 décembre 2021 Travailler jusqu’à 75 ans : une solution au vieillissement de la population, trouvé sur le site de Radio Canada.
On y apprend notamment que, si au Québec, le taux d’activité des 60-64 ans était alors de 52 %, il était de 57 % en Ontario, de 71 % au Japon et de 74 % en Suède !
L’IMPORTANCE DE CLARIFIER SES BESOINS ET SES MOTIVATIONS
Travailler à la retraite: clarifier nos motivations (Qui suis-je?)
Pour accompagner adéquatement les retraités qui souhaitent encore travailler, il est bon de les encourager à préciser clairement leurs besoins et leurs attentes et, parfois aussi, à débusquer quelques motivations sous-jacentes qu’ils n’ont pas encore bien cernées
Il est important de bien réfléchir à ce qui, tout à la fois, rendra le travail et la retraite puis la vieillesse heureuse et épanouie, en plus de s’offrir des temps de loisir.
Au début de la retraite, il en effet indispensable de se donner un temps d’arrêt, de repos et d’exploration pour réfléchir à son avenir.
Si l’on veut travailler, l’idéal est d’opter pour un emploi passerelle, si possible, avant de s’engager dans un nouvel emploi à temps complet.
À la différence des plus jeunes qui ont toute la vie devant eux et toutes les capacités pour explorer le monde du travail, les ainés devraient aussi tenir compte, dans leurs choix d’activités, rémunérées ou non, du processus du vieillissement qui s’enclenche.
En effet, pour demeurer autonomes le plus longtemps possible et éviter de vieillir dans les regrets, et parfois l’amertume, il est essentiel, à mon avis, qu’ils se ménagent aussi du temps pour se maintenir en santé physique, mentale et intellectuelle et pour se rapprocher de ceux et de celles qui comptent pour eux.
OPTER POUR UN EMPLOI PASSERELLE PLUTÔT QU’À TEMPS COMPLET AU DÉBUT DE LA RETRAITE
Explorer le grand terrain de jeu et d’aventures de la retraite avant de se remettre en route: activités, loisirs, bénévolat, repos, santé, famille, sens de la vie, bien vieillir…
Un emploi passerelle est un emploi dans lequel on s’engage sans obligation d’y rester si cela ne nous convient pas, sans contrat à long terme, et sans investissement financier, matériel et même affectif, par exemple en devenant travailleur autonome, le temps de s’adapter à cette nouvelle vie: la retraite
Un temps d’exploration avant de travailler à nouveau
Pendant ce temps d’exploration, sortis du tourbillon du travail, les nouveaux retraités peuvent alors, grâce à un emploi passerelle…
– déterminer leurs vrais besoins et leurs intérêts d’aujourd’hui
– faire le point sur leurs rêves mis en veilleuse au profit de leur travail et de leurs obligations.
– se découvrir de nouvelles… passions professionnelles ou non ou en raviver d’autres.
– se préoccuper davantage de leur bien-être physique, psychologique et affectif.
– se rapprocher de leur famille et de leurs amis et passer plus de temps de qualité avec eux.
Par la suite, une fois reposés et avoir expérimenté le travail après la retraite, certains voudront travailler encore, un peu ou beaucoup ou, tout simplement cesser de travailler et profiter d’une retraite bien méritée.
QUI SUIS-JE? UN BON BILAN DE VIE S’IMPOSE AVANT DE PRENDRE SA RETRAITE… ET APRÈS
Qui suis-je aujourd’hui, au moment de démarrer ma retraite? 73 tests pour découvrir ma personnalité authentique cachée sous mes masques (faux semblants) professionnels et sociaux
Avant de se lancer dans un nouvel emploi, une fois à la retraite, je suggère toujours aux participants à mes formations de prendre un temps de repos et d’exploration et de s’offrir un bon rendez-vous avec eux-mêmes…
Pour ce faire, ils pourraient se procurer: Qui suis-je? 73 tests pour le découvrir. Ce livre leur permet de bien faire connaissance avec eux-mêmes, aujourd’hui. Il pourront alors préciser leurs besoins, leurs valeurs, leur personnalité, leur tempérament, les obstacles qui peuvent les empêcher de donner vie à leurs projets, leur type de travailleur (Entreprenant? Réaliste? Social? Investigateur? Artiste? Éveilleur? etc.). Etc.
Quant au livre La retraite en vue? En route vers de nouveaux défis et aventures, ils pourront y découvrir des centaines d’activités de retraite rémunérées classées par centre d’intérêt (créer, travailler, aider, protéger, sauver la planète, etc.). Tout un chapitre est consacré au travail.
Je termine avec cette phrase tirée du livre Une brève éternité (Grasset, 2019, p. 42) de Pascal Bruckner que je rapporte souvent dans mes conférences pour inciter les participants à demeurer actifs à la retraite.
La constitution de toute une classe d’âge en classe de loisir, renfermée sur le seul consumérisme, est une catastrophe, réalisée au nom des meilleures intentions, dans nos sociétés, après la Seconde Guerre mondiale. […] : garder ou retrouver une activité, c’est replacer les personnes dans le lien, dans le service aux autres, en refaire des acteurs au plein sens du terme. C’est en finir avec le préjugé des ainés comme classe parasite dont on attend avec impatience qu’ils s’éclipsent pour laisser la place aux plus verts
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Nombre de recruteurs embauchent presque exclusivement des jeunes. On préfère un jeune de 25 ans sorti d’une école d’ingénieur, vif et malléable, à un vieux aux idées arrêtées, à la cervelle lente et au rendement affaibli. Et pourtant, les neurosciences montrent que les cellules grises âgées ne travaillent pas forcément moins bien et feraient même mieux dans certains cas
Cette citation, extraite de l’article Le retour des seniors, du magazine Cerveau & Psycho de mai-juin 2006 (no15) par Michael Falkenstein et Sascha Sommer, des chercheurs de l’Institut de physiologie de Dortmund, en Allemagne, montre à quel point les préjugés et les clichés sont tenaces lorsqu’il est question d’engager des travailleurs âgés, même dans la cinquantaine.
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