Quand vient le temps du changement
Comment négocier et accompagner les transitions de vie
© Par Marie-Paule Dessaint, docteure en sciences de l’éducation, auteure, conférencière et biographe
Tout évolue constamment, jour après jour, pour tout le monde et chacun de ces changements s’accompagne d’une transition plus ou moins importante, plus ou moins perceptible vers l’acceptation et l’intégration de ce changement dans notre vie
Comme sur un radeau ou un voilier…
Confrontés à un changement (travail, mitan de la vie, retraite, relations, santé, maladie, sensation de vide existentiel…) les participants à mes formations et ceux que je rencontre lors d’entretiens privés (consultations) me font souvent penser à ces personnages, au cinéma, qui quittent un continent connu, seuls, sur un radeau de fortune ou sur un magnifique voilier, vers une terre totalement inconnue.
Incertains de la direction à prendre, de ce qui leur arrivera et de ce qu’ils trouveront, la majorité se lance quand même à l’aventure, avec courage et détermination.
Ils ont choisi de prendre le contrôle de leur existence et ils ont bien l’intention de trouver à destination ce qu’ils sont venus y chercher, mais aussi ce qu’ils y apportent
Si certaines personnes ont une bonne capacité d’adaptation au changement et parviennent à franchir seules chaque transition de vie et à surmonter leurs inévitables turbulences, d’autres ressentent le besoin de se faire accompagner pour trouver un écho à leur réflexion et accélérer le processus.
D’autres encore se sentent totalement dépourvues qu’elles ont besoin d’une aide plus intense, parfois d’un psychologue, pour surmonter leurs difficultés.
Voici quelques idées et principes sur lesquels je m’appuie dans ma façon d’accompagner mes clients (consultations privées) en transition de vie, qu’il s’agisse de la crise du milieu de la vie, de l’entrée dans la retraite, des problèmes de mémoire inquiétants ou encore de la recherche de sens dans leur vie.
Un changement choisi ou imposé
Le changement, c’est en quelque sorte une voie de passage, parfois une porte tournante, entre ce que nous étions, ce que nous sommes aujourd’hui et ce que nous cherchons à devenir (ou sommes obligés de devenir)
Ce processus de transition est interne, psychologique et subjectif, alors que le changement lui-même est extérieur à soi.
Choisi, il s’agit, par exemple, de déménager, de se marier, de quitter une relation qui emprisonne ou de modifier des habitudes qui nuisent plutôt que servir : fumer, trop manger.
Dans ce cas, même si la transition peut sembler difficile dans un premier temps, puisqu’elle met la vie et les habitudes sens dessus dessous, elle porte aussi en elle beaucoup d’espoir et d’enthousiasme, voire de fierté et d’estime de soi.
Quand le changement est imposé, la transition est bien plus douloureuse, par exemple un congédiement, une promotion refusée, une retraite forcée ou inattendue, l’abandon par l’être aimé, un deuil ou une maladie grave qui hypothéquera le reste de l’existence.
Alors, des sentiments et des émotions particulièrement difficiles pourront surgir pendant la transition.
En voici quelques exemples : injustice, rejet, inutilité, abandon, humiliation, honte, culpabilité, apitoiement sur soi, tristesse, déception, amertume et solitude.
Ne pas précipiter les choses
Bien des difficultés au sein des organisations, des familles, en amour, en amitié ou dans la mise en place de projets s’expliquent par des transitons qui ont été mal vécues auparavant
Si en ce moment vous vivez une transition difficile, en connaître ses phases vous rassurera probablement.
Vous comprendrez qu’il est normal de vous trouver déstabilisé et parfois même dans la tourmente pendant un certain temps, mais aussi que tout se termine généralement par un dénouement positif pour qui décide d’assumer le contrôle de sa vie.
Si cette période de transition vous semble interminable, sachez que si vous la précipitez ou l’ignorez, vous risquez de prendre des décisions mal adaptées et d’avoir alors à tout recommencer.
Tôt ou tard le changement vous rattrapera.
Alors, prenez votre temps… rapidement.
Rapidement, car si vous laissez les choses traîner en longueur, votre motivation et votre enthousiasme risquent de s’étioler.
Se sentir en sécurité
Si le coach ou le formateur spécialisé en transitions de vie doit inciter ses clients à sortir de leur zone de confort et à se mettre rapidement et efficacement en action, il doit surtout leur offrir un « havre de paix », une « bulle de sérénité » dans lesquels ils se sentent protégés lorsque l’orage gronde trop au-dehors
Déstabilisés, inquiets, parfois dépassés par les événements, ils ont davantage besoin d’être écoutés, compris, acceptés et même aimés que d’être dirigés, conseillés et parfois jugés ou critiqués.
C’est pour cette raison que je recommande d’éviter de solliciter l’avis de certaines personnes de l’entourage au moment de prendre des décisions importantes.
Des éteignoirs ou d’autres personnes qui ont intérêt à les voir rester dans leur ancienne vie et leurs anciennes habitudes pourraient les amener à douter d’eux-mêmes et du bien-fondé de leur projet.
Dans cette bulle de sérénité, en compagnie de leur coach ou leur formateur, ils feront mûrir leur projet de changement et en évalueront tous les risques et les avantages.
Ils cerneront mieux l’écart entre la situation actuelle et ce qu’ils veulent ou doivent changer. Ils oseront prendre des risques et feront courageusement face aux défis qui les attendent.
Ils confronteront aussi leurs résistances.
C’est seulement lorsque la confiance est établie et la confidentialité des entretiens assurée que la personne peut commencer à bouger, autant de l’intérieur que de l’extérieur.
LES TROIS TEMPS D’UNE TRANSITION DE VIE: LES TROIS MOUVEMENTS DE WILLIAM BRIDGES
De la fin jusqu’à un nouveau début
Dans son ouvrage Les transitions de vie, William Bridges divise les transitions en trois phases (ou étapes) : la fin, la zone neutre et le renouveau.
Ces étapes correspondent au changement, à la transition proprement dite, puis à l’intégration du changement dans la vie, c’est-à-dire l’adaptation.
1. Le début… c’est la fin, le détachement, le départ pour le grand voyage
C’est le moment de se jeter à l’eau, de se séparer, de se détacher et d’abandonner ses habitudes sécurisantes, sa zone de confort, les lieux et les visages familiers, son statut social, le pouvoir et probablement aussi certains rêves
– Déséquilibre, bouleversement, fébrilité, espoir et inquiétude font souvent partie du voyage.
– La personne est très préoccupée par le changement. Elle y consacre beaucoup d’énergie.
– Elle se sent parfois dépassée par les événements et bien seule aussi.
Écrire…
Au cours de cette première phase du changement, je propose à mes clients ou aux participants à mes formations de préciser par écrit leur intention de changer, de «ventiler » les émotions qui les envahissent, de bien évaluer la situation, de se fixer des objectifs précis et d’établir un plan d’action.
Je leur demande aussi de commencer à dresser un bilan de vie et tout particulièrement de vérifier quelle est leur identité profonde, leur vraie nature, cachée derrière ce que les autres connaissent d’eux (leur masque social et professionnel).
Je leur fais notamment découvrir les forces insoupçonnées sur lesquelles ils peuvent s’appuyer dans le changement, leur personnalité (la vraie), leurs valeurs, leurs talents, leurs compétences, leurs passions et même… leurs « démons ».
Une identité claire
Une identité claire permet non seulement de faire des choix… éclairés et d’éviter de se cramponner à des rêves inatteignables, mais elle permet surtout de réduire le nombre d’erreurs de parcours, en plus d’inciter la personne à aller au-delà de ce qu’elle croit pouvoir faire et accomplir.
Elle rend aussi plus fort face aux aléas de la vie, plus sûr de soi, plus libre et plus authentique.
Quelques résistances à vaincre
Je n’y arriverai pas. C’est trop beau pour moi. Je suis trop âgée. Ils n’apprécient pas mon travail et mes efforts. Il va me rejeter
Ensemble, nous tentons aussi de débusquer les résistances qui risquent de les bloquer dans l’action : croyances qui les limitent, réticences, a priori, justifications, peurs, etc.
Voici d’ailleurs un article très intéressant sur ce sujet: Le vocabulaire qui transforme la vie
2. La transition. C’est la zone neutre ; l’entre deux, l’incertitude, seul sur son radeau
Cette période est plutôt déstabilisante, car tout en s’efforçant de renoncer aux anciennes façons de faire, il s’agit, en même temps, d’en trouver de nouvelles, de préparer l’avenir, de poser des jalons, de prendre des décisions et de trouver d’autres repères
– La personne est physiquement détachée des gens et des choses du passé, mais elle n’a pas encore réussi à s’attacher au présent, notamment sur le plan émotif.
– La confusion, la fatigue, l’angoisse, l’anxiété, la nervosité et l’irritabilité sont parfois aussi du voyage, tout comme des problèmes de santé, petits et grands, associés au stress : sommeil perturbé, problèmes de mémoire, symptômes psychosomatiques et autres.
Cela est normal, mais il s’agit de ne pas les laisser prendre le dessus.
Le doute l’assaille aussi de toutes parts
La tentation est grande de résister au changement et de faire « marche arrière » surtout si, en chemin, d’autres occasions et d’autres tentations plus faciles ou plus agréables se présentent, un peu comme pour le tester.
Bien des justifications rationnelles, une prudence exagérée ou la peur de l’opinion d’autrui mettront sa motivation à l’épreuve.
Certains voudront même attendre passivement qu’on prenne les décisions à leur place.
Ces hésitations sont saines et normales puisqu’elles permettent d’éviter de commettre des erreurs, mais elles peuvent aussi pousser à l’abandon ou à faire traîner les choses en longueur au risque de les voir avorter. Il faut garder espoir et continuer à avancer ; un petit pas à la fois.
Ce moment est propice pour se faire accompagner, car le changement doit s’appuyer sur un socle solide
Le travail s’effectue donc surtout sur les freins à l’action (mentionnés plus haut), ainsi que sur la réduction des tensions : anxiété, angoisse, stress, remises en question, doutes, etc.
Il s’agit aussi de consolider les aspects matériels et affectifs de la vie de la personne en transition afin qu’elle se sente davantage en sécurité.
Puisque cette phase est exigeante et consomme beaucoup d’énergie, je suggère vivement de se maintenir en forme physique et, si c’est le cas, de réduire la consommation de certains médicaments, notamment les antidépresseurs et les somnifères. Avec l’accord d’un médecin, bien entendu.
Il importe aussi d’éviter de précipiter les choses sur un coup de tête parce qu’on n’en peut plus d’attendre, d’être seul sur son radeau (ou son voilier) et de ne pas savoir comment la vie sera à destination.
Faire marche arrière, démissionner, prendre une retraite anticipée, déménager dans un endroit qui ne lui convient pas, quitter l’autre et parfois aussi penser mettre fin à sa vie sont quelques idées qui peuvent hanter la personne en transition.
3. L’intégration. C’est l’arrivée à destination ; le commencement, le nouveau départ
La vie est une aventure. Sinon elle n’est rien Helen Keller
Doute, frustration, inquiétude cèdent maintenant la place à l’espoir, au soulagement, à l’enthousiasme, à la satisfaction et souvent aussi à la fierté
Tout à coup, toutes les possibilités, toutes les propositions que la vie a faites deviennent réalité.
Les avantages l’emportent sur les inconvénients et les risques sur les résistances et les blocages.
– Les obstacles sont tombés. La vue est dégagée ; le monde est différent.
– L’avenir semble plus serein même s’il faut encore y consacrer du temps et des énergies.
– Le changement s’intègre peu à peu à la vie et il n’est plus aussi préoccupant.
– La vie continue avec de nouveaux plans et de nouvelles façons de voir les choses, le monde et soi-même.
La transition est terminée ; l’adaptation est quasiment terminée elle aussi.
L’arrivée sur l’autre rive…
C’est le moment de faire un bilan, de vérifier notamment si le changement s’est opéré de façon satisfaisante, si l’écart entre la situation de départ et la situation envisagée s’est comblé et s’il est nécessaire d’aller chercher des ressources supplémentaires pour mener totalement à bien le changement.
Vive le changement ! Vive la vie !
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